Comment le yoga peut nous aider ? 

Un petit billet de vulgarisation scientifique de la responsable du projet, Marie-Joëlle Beaudoin, B.sc., doctorante en psychologie à l'université du Québec à Montréal. 

Comment le yoga peut aider ? C'est une question que les chercheurs scientifiques se sont posés. Peut-être vous êtes vous déjà posés la même question ? Peut-être avez-vous une idée de la réponse ? J'ai fait ce petit billet de vulgarisation scientifique pour vous éclairer sur les mécanismes scientifiques du yoga afin de vous fournir une partie de la réponse. 

Je vous propose de vous guider dans le survol d'un modèle scientifique théorique: le modèle de l'auto-régulation par le yoga. 

Le modèle de l'auto-régulation par le yoga est assez récent. Il a été proposé en 2014 par Tim Gard du départements de psychiatrie de l'hôpital Général du Massachussetts à Boston aux États-Unis en collaboration avec plusieurs autres chercheurs. Ce modèle se base sur plusieurs notions de neuroscience et de psychologie pour expliquer les mécanismes du yoga. Le modèle explique comment toutes les composantes du yoga peuvent contribuer ensemble à aider une personne à se sentir bien. Voyons d'abord les différentes composantes du yoga, pour ensuite comprendre quels sont les mécanismes proposés par le modèle. 

Composantes du yoga

D'abord, il y a les postures. Souvent, lorsqu'on dit «yoga», on voit une personne qui fait une posture comme le chien tête en bas qu'on voit sur la photo. Une notion importante de cette composante est le soutien des postures. En pratiquant le yoga, nous allons soutenir une posture pendant quelques secondes. Il est commun de compter le temps de soutien en fonction des respirations (1 respiration pour un temps plus court ou 5 respirations pour un temps plus long). Les postures vont également être diversifiées. Certaines seront faites assises, d'autres couchées ou debout. 

Une autre composante est la respiration. En fait, en faisant du yoga, il est fortement recommandé de réguler sa respiration pour qu'elle soit profonde et lente. Souvent, les professeurs de yoga vont le rappeler durant les cours ou même prendre un moment pour l'enseigner. Je vous invite à vous concentrer sur votre respiration la prochaine fois que vous faites face à un stress. Vous remarquerez qu'elle a tendance à s'accélérer et à être moins profonde. Dans le yoga, on utilise la respirations lente et profonde car elle tend à nous aider à se calmer.

Une dernière composante, qui fait partie du modèle et sur laquelle je veux mettre l'accent dans ce billet, est la méditation. En Amérique du Nord, la popularisation du yoga a majoritairement mis l'accent sur les postures (ex: dans le « Yoga Flow» ). Dans le yoga traditionnel, les postures et les exercices de respiration sont faits pour amener la personne vers la méditation. C'est donc la partie de la méditation qui est le centre de la pratique du yoga. Cette partie demande beaucoup de concentration pour ramener continuellement la personne vers un état neutre (là où les pensées ne s'égarent pas). La méditation peut être difficile pour les personnes qui débutent leur pratique. Ainsi, il est possible d'offrir une relaxation plutôt qu'une méditation pour permettre à la personne de se détendre sans prendre autant d'énergie que durant la méditation. 

Modèle théorique de l'auto-régulation par le yoga : mécanismes proposés

On entend par «mécanismes» toutes les activités cérébrales et physiologiques qu'on utilise lorsqu'on fait du yoga. Par exemple, une acitivité cérébrale, qui se passe lorsqu'on fait du yoga, est le contrôle de l'attention. Pour bien se placer dans une posture, nous devons porter attention à notre corps, comment placer mon pied ? ma jambe ? tourner mes hanches ? Cela est possible notamment car nous avons la capacité de contrôler où nous allons diriger notre attention. Dans ce cas, ça sera sur notre corps. Un exemple d'activité physiologique est la respiration par les poumons. 

Le modèle du Dr Gard cite plusieurs mécanismes pour expliquer comment le yoga peut aider. Pour simplifier notre compréhension, nous allons nous concentrer sur un exemple, celui des ruminations. Les ruminations ce sont toutes ces petites pensées qui nous habitent lorsqu'on est anxieux, stressé par un évènement ou un problème. Souvent, ce ne sont pas des pensées très aidantes. Elles visent plutôt à ressasser une situation problématique, anxiogène ou stressante sans y trouver d'issus. En psychologie, on remarque qu'il y a une forte association entre les ruminations et l'anxiété. Selon le modèle de l'auto-régulation, le yoga peut aider à diminuer les ruminations, comment ?

En pratiquant le yoga, les personnes sollicitent plusieurs fonctions cérébrales qu'on appellent «de haut niveau», par exemple la mémoire, la planification, l'attention, le langage, l'organisation, l'inhibition, etc... Ces fonctions sont logées dans notre cerveau. Toutes ces fonctions nous permettent de faire nos tâches  dans notre quotidien. Nous les utilisons chaque jour. Par exemple, vous êtes entrain d'utiliser votre attention et votre mémoire pour lire ce billet de vulgarisation scientifique.  

Toutefois, il nous arrive de mal utiliser nos fonctions de haut niveau. C'est le cas lorsqu'on rumine. Nous utilisons notre attention, notre mémoire ou notre langage pour nous focuser sur nos ruminations ce qui peut occasionner de l'anxiété

C'est comme si vous aviez une lumière qui éclaire seulement un endroit dans la noirceur. Toute la lumière se concentre en un endroit et tout le reste autour devient sombre. Dans ce cas, on utilise assez mal la lumière puisqu'elle ne nous permet pas de tout voir. Elle crée plutôt un endroit stressant.

Selon le modèle du Dr Gard, le yoga permet de changer la lumière de place ou d'augmenter la supercie éclairée. En d'autres mots : de mieux utiliser nos fonctions de haut niveau. De cette manière, on voit mieux ce qui est autour et l'endroit devient moins stressant. 

Cela est possible parce qu'en faisant du yoga, nous nous pratiquons continuellement à rediriger notre attention sur plusieurs choses (ex: respiration, corps, sensations physiques) en plus d'inhiber ce qui dérange à l'entoure.  

Donc, dans des moments où notre attention est dirigé seulement sur nos ruminations, il est possible de reprendre ce qui a été pratiqué dans les cours de yoga. On redirigera notre attention sur autre chose et on inhibera les ruminations qui nous envahissent. Par exemple, on pourra laisser aller nos ruminations pour être attentif à l'histoire que notre ami nous raconte. Ou, on pourra avoir accès à des pensées qui vont nous être plus utiles. Par exemple, des solutions à notre problème, des encouragements pour passer à travers une situation difficile, toutes sortes de pensées auxquelles nous n'avions pas accès, car l'« endroit» n'était pas assez éclairé. Cette diminution des ruminations peut nous aider à avoir une meilleure qualité de vie et nous aider à avoir des comportements pro-sociaux. 

Le projet de recherche dont je suis responsable se base sur le modèle de l'auto-régulation par le yoga de Gard et ses collaborateurs. Ce modèle a été développé à partir de la théorie scientifique pour aider les chercheurs comme moi à développer des projets sur le yoga. La recherche sur le yoga est loin d'être finie. Il reste encore beaucoup de choses à découvrir pour bien comprendre comment le yoga peut aider. Je crois que mon projet de recherche pourra contribuer à la science afin de mieux comprendre les effets du yoga sur l'anxiété et la qualité de vie des adolescent.e.s ayant un TSA et leur parent. Donc, on se pose encore la même question : Comment le yoga peut aider ? 

Référence : Gard, T., Noggle, J. J., Park, C. L., Vago, D. R., & Wilson, A. (2014). Potential self-regulatory mechanisms of yoga for psychological health. Frontiers in Human Neuroscience, 8, 770.